2. Le Contexte
They Look Like Us :: Premiers pas :: Univers de TLLU

Elle ne savait pas exactement comment elle était arrivée là, juste qu'elle y était et qu'il n'y a pas l'air d'être possible de partir. Elle avait essayé, plusieurs fois, mais la route l'a invariablement ramenée dans cette petite ville usée, presque vide en fait. Au dernier tour, elle s'était dit que c'était quand même joli ce coucher de soleil sur cette petite route dans la forêt, ça donnait des jolies couleurs aux arbres. Et puis elle avait pilé pour éviter d'écraser les gens qui s'étaient mis en travers de la route pour l'arrêter. Pour la presser de revenir au plus vite en ville, de presque la tirer de sa voiture pour l'embarquer dans une maison et lui interdire d'ouvrir, quoi qu'il arrive. Sur le coup elle avez pas vraiment compris, et puis ils s'étaient mis à lui expliquer le pourquoi, le comment, le où et le quoi aussi, en ayant l'air d'y croire en plus. Ça avait l'air de les terrifier, mais pour elle c'était à peine plus inventif que le film d'horreur un peu moisi qu'elle avait vu avec ses amis la semaine dernière.

Alors elle les avait remerciés poliment en finissant le verre d'eau qu'ils lui avait donné, mais elle allait retourné à sa voiture maintenant, elle avait juste du louper un embranchement sur la route, rien de bien grave. Vraiment, elle ne voulait pas les déranger plus, et elle s'était levée pour aller à la porte. Tous étaient d'un coup debout pour l'en empêcher, essayant de lui parler ou de lui interdire, autant de choses qu'elle ne comptait pas écouter, quand tous s'étaient arrêtés. Et dans le silence lourd de la pièce, elle avait les avait entendus. Ces petits coups à la fenêtre sur sa droite, cachée par un rideau, lents, comme si quelqu'un se trouvait de l'autre côté. La petite voix à peine audible qui suppliait qu'on la laisse rentrer, qu'il faisait si froid dehors. Qu'elle serait sage, qu'elle resterait dans son coin, si juste on la laissait rentrer.

C'était ce qu'elle avait essayé de faire, parce qu'elle ne pouvait pas laisser ce qui semblait être un enfant tout seul dehors, en tentant d'abord de se rapprocher de la fenêtre mais ils s'étaient interposés. Demi-tour pour atteindre la porte, on l'avait saisie à bras-le-corps avant qu'elle ne puisse poser la main sur la poignée. Elle avait crié et s'était débattue, rien n'y faisait et personne ne voulait aider le gamin qui continuait de supplier qu'on le laisse entrer, qu'il avait peur. Elle ne savait comment exactement, mais elle avait fini par se libérer et avait couru à la porte pour l'ouvrir en grand et laisser entre ce pauvre gosse qui n'avait pas du voir l'heure passer. Les quelques pas qu'elle avait fait en l'appelant, sans le voir, avant de sursauter quand la porte s'était refermée derrière elle. Super, bonne ambiance, mais une fois qu'elle aurait trouvé l'enfant et l'aurait ramené au chaud tout irait bien et elle pourrait essayer de rentrer chez elle.

Un pas après l'autre, dans la nuit à peine éclairée, elle avait lentement contourné la maison, espérait tomber sur le gamin près de la fenêtre où il avait appelé. Elle avait ramené les pans de sa veste autour d'elle, appelant un peu plus, avec juste le silence pour réponse. Le silence lourd, vide même des habituels bruits de la nuit qu'elle connaissait pourtant bien, comme si quelqu'un avait passé le monde en muet. Elle avait secoué la tête en soupirant, les échos de ce que les gens lui avaient dit revenant par morceaux. Qu'il ne fallait jamais sortir la nuit, parce que c'était le moment où eux sortaient. Qu'ils n'avaient aucune pitié et tuaient toujours. Soupiré un peu plus en atteignant le coin de la maison, et enfin elle avait vu l'enfant. La petite fille, avec une de ces salopettes en jean qu'elle avait aussi aimé porter enfant, et elle lui avait tendu la main pour qu'elle la rejoigne. Lui sourire en retour, en la voyant combler la distance et tendre sa petite main pour prendre la sienne.

Le hurlement de douleur, strident, torturé, qui s'était écrasé contre les murs, incontrôlable, alors qu'elle sentait les doigts s'enfoncer dans son bras. Figée par le choc, l'incompréhension aussi, alors qu'ils se frayaient un chemin entre ses os, qu'ils tiraient vers ce petit corps qui semblait si fragile et son grand sourire. Ils nous ressemblent, c'était ce qu'ils avaient dit, alors que ses jambes cédaient sous elle et que ses genoux heurtaient le sol. Le nouveau hurlement qui avait couvert le craquement humide là où s'était trouvée sa main quelques secondes plus tôt, mourant lentement dans sa gorge pendant que les tremblements prenaient la relève. Sa vue s'était troublée, sa tête tournait, la gamine souriait toujours de toutes ses dents mais elles étaient rouges maintenant, mais ils n'étaient plus seuls. Elle n'aurait su dire combien, mais elle avait vu leurs sourires briller dans la nuit juste avant de sombrer.

Ce qui restait du corps de la jeune femme avait été enterré au petit matin. Rebecca Powell selon ses papiers, Becky dans les messages qu'elle avait reçu de ses amis avant d'arriver, originaire de l'Arkansas. Il n'y avait pas eu d'autres mots prononcés, les visages fermés des habitants fixant la tombe nouvellement creusée rejoignant les trop nombreuses autres, juste un bref instant de recueillement avant de se disperser, certains pour aller prendre le petit-déjeuner au Diner, d'autres pour commencer la journée de travail. Les affaires de Rebecca avaient été triées et redistribuées dans la ville, et la vie avait repris son cours, comme après chaque nuit dans l'Anomalie.